La Journée mondiale de l’architecture est célébrée le premier lundi de chaque mois d’octobre.
Vous n’avez pas encore été pris d’une irrépressible envie de retourner au bureau ? C’est peut-être votre corps qui vous parle. C’est que la routine pré-COVID métro-ascenseur-ordinateur rime trop souvent avec manque de lumière, d’exercice et d’air frais. Votre santé physique et mentale pourrait en pâtir. L’architecte Dominique Laroche, qui s’intéresse à ces questions, nous parle de l’impact profond qu’ont les bâtiments sur notre bien-être physique et psychologique.
« La certification WELL, c’est comme si l’architecture rencontrait les sciences de la santé, nous dit d’entrée de jeu Dominique Laroche. C’est une certification centrée sur le bien-être des personnes qui passent leurs journées à l’intérieur des bâtiments, et qui mesure de plusieurs façons l’impact du bâtiment sur la santé humaine. »
WELL a été fondée aux États-Unis en 2014, après 6 ans de recherches intensives menées par l’International Well Building Institute, et développée en collaboration avec des designers, des médecins, des psychologues et d’autres experts. Si la certification est relativement nouvelle, les principes ne le sont pas.
« On nous enseigne cela dès nos premières années d’études en architecture : penser aux occupants des édifices. Mais j’avoue que c’est souvent négligé dans l’élaboration des projets; en général, il y a une déconnexion entre l’architecture du bâtiment et l’expérience des usagers. Pourquoi ? Pour toutes sortes de raisons, notamment des contraintes budgétaires… », ajoute-t-il d’un air entendu.
Thomas Mueller, président et PDG du Conseil du bâtiment durable du Canada, renforce cette idée dans une entrevue accordée au magazine Les Affaires : « La santé et le bien-être des habitants d’un bâtiment ne sont pas encore une priorité des propriétaires immobiliers. La performance financière et énergétique de leurs édifices les préoccupe davantage. Il y a un travail de sensibilisation à faire. »
Alan Dilani, l’un des fondateurs de l’International Academy for Design and Health (IADH), fait un parallèle qui ne saurait nous laisser indifférents. Avant la construction d’un zoo, les architectes, les biologistes, les ingénieurs civils et bien d’autres se consultent pour élaborer un environnement qui optimise les conditions de vie des animaux. Les matériaux, la végétation et l’éclairage sont pris en considération pour créer un environnement favorable à leur bien-être physique et psychologique. « Curieusement, l’homme ne semble pas avoir les mêmes exigences lors de la conception d’un nouveau lieu de travail », écrit-il. |
Pour Dominique Laroche, la certification WELL représente tout de même une grande avancée.
« Avant, il n’y avait pas de littérature scientifique pour appuyer la corrélation entre la santé d’une personne et l’environnement physique dans lequel elle évolue. Maintenant, oui. WELL explique bien comment et pourquoi faire les choses. »
Le « comment » est évalué à travers sept thèmes : air, eau, alimentation, lumière, activité physique, confort, et bien-être psychique. Fait intéressant, le cycle de certification WELL dure trois ans. Après cette période, une nouvelle certification doit être réalisée afin de s’assurer que les caractéristiques WELL sont maintenues.
Les habitants des bâtiments que nous sommes
Quiconque a déjà occupé un « bureau aveugle » sait à quel point la privation de lumière naturelle perturbe notre cycle biologique. Boire café sur café s’avère une bien pauvre solution de rechange ! La qualité de l’air, invisible, est aussi une source de mal-être dans les grands édifices hermétiques, qui répondent à des normes qui datent d’une autre époque. Dominique Laroche :
« En général, les ingénieurs mécaniques avec qui on travaille sont réticents aux fenêtres ouvrantes. Ils sont habitués de concevoir des bâtiments hermétiques. Ils peuvent alors contrôler leur débit d’air frais, leur sortie d’air vicié, le chauffage et la climatisation, le tout dans une enveloppe étanche. Quand on demande de mettre des fenêtres qui ouvrent, ça ajoute un paramètre d’incertitude. N’en demeure pas moins que la meilleure façon de ventiler un bâtiment, c’est d’ouvrir les fenêtres. Et ça coûte bien moins cher que des systèmes mécaniques. »
Dans les climats tempérés, nous passons en moyenne 85 % du temps dans des environnements clos. Saviez-vous que l’air intérieur est jusqu’à 8 fois plus pollué que l’air extérieur ? Voilà qui donne envie d’ouvrir sa fenêtre… quand c’est possible.
Activité physique
Il ne faudrait pas sous-estimer la sédentarité, dont la sédentarité au travail, un important facteur de risque de maladies du cœur et de plusieurs autres problèmes de santé incluant le diabète de type 2, certains cancers et l’ostéoporose. En 2010, la ville de New York s’est appuyée sur le concept de design actif et a adopté les Active Design Guidelines, une série de recommandations destinées aux architectes et aux urbanistes, qui mettent l’accent sur un environnement bâti entraînant un mode de vie actif.
Montréal serait à la traîne. Dans un mémoire déposé en 2012 par l’Ordre des architectes du Québec intitulé Le goût de bouger : Comment favoriser un mode de vie physiquement actif ?, on peut lire : « Au Québec en général, et à Montréal en particulier, on est encore bien loin de telles initiatives. Ici, la plupart du temps, l’environnement bâti de même que l’aménagement urbain contribuent à la sédentarité et à l’inactivité. »
Inciter les gens à bouger peut et doit se faire naturellement. « Cela peut se faire facilement, avance Dominique Laroche. On peut, par exemple, concevoir des escaliers attrayants et les placer bien en vue, nous explique-t-il en direct du campus de l’Université de Sherbrooke situé à Longueuil, dont il est l’un des concepteurs.
À moins que vous ne soyez atteint de bathmophobie (oui, la peur des escaliers porte un nom), vous gagnerez à être verticalement actif!
Catherine Hébert
Rédactrice scientifique
catherine.hebert.6@umontreal.ca
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