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La main verte de Sandrine Milante

Dernière mise à jour : 27 janv. 2022

Série Portraits d'entrepreneur(e)s à impact

Quand la mère de Sandrine Milante achète une, puis deux usines de transformation de plastique en 1995, la jeune femme est étudiante au baccalauréat en sciences politiques à l’Université de Montréal. Rien ne la prédestine à prendre la tête de ce qui va devenir EcoloPharm, une entreprise avant-gardiste de produits d’emballage de pharmacie écoresponsables. Rien, sinon une prise de conscience accrue de l’urgence écologique, qui se produit dans un cours de politique environnementale donné devant quatre étudiants — quatre visionnaires sans aucun doute.

Photo : Catherine Hébert

Sandrine Milante accepte d’abord de donner un coup de main à ses parents. L’aide ponctuelle se transforme en emploi d’été, puis en un poste à la direction des opérations. Déjà, Sandrine Milante songe à faire prendre un virage à Plastilec. « Très tôt, une idée s’est mise à me trotter dans la tête. Si mon avenir professionnel consistait à reprendre l’entreprise familiale, ce n’est pas comme ça que je voulais la reprendre. »


Quand ses parents lui remettent les clés de l’usine, la jeune femme a déjà décidé de la transformer. EcoloPharm naît de sa volonté de créer une industrie d’emballage de médicaments plus verte. Car verte, elle ne l’est pas, nous rappelle celle qui siège sur le conseil d’administration du Conseil des industries durables. La pollution plastique en pharmacie est immense.


Chaque année au Canada, plus de 250 millions de prescriptions (six fois la population canadienne) sont servies dans des emballages qui génèrent une quantité importante de matières résiduelles. Selon une étude publiée en 2016, seuls 9 % de tous les plastiques jetés comme déchets au Canada cette année-là ont été recyclés.


Une fiole pas comme les autres

« Au départ, c’est une idée qui a germé dans la tête de mon père : celle d’une nouvelle génération de fioles en une seule pièce avec un couvercle attaché. » Une idée révolutionnaire ? À l’époque, oui.

« On produisait des fioles d’un côté, de huit formats différents, et des bouchons de l’autre. La matière n’était pas recyclable et on jetait des sacs à la tonne. Bref, une catastrophe sur le plan environnemental.

L’idée de départ est de générer moins de déchets. Le design innovant de l’Eco-Vial permet de réduire de 30 % le plastique qui entre dans sa fabrication. Il s’avère aussi que la fiole en un seul morceau optimise le processus de production. Les trois lignes de production sont réduites à une seule. Les polymères toxiques sont bannis, dont le PVC qui contient plusieurs additifs et solvants nuisibles à la santé des travailleurs (ceux d’EcoloPharm, mais aussi ceux des fournisseurs) et à l’environnement en fin de cycle. Les fioles sont dorénavant conçues en polypropylène 100 % recyclable.


Un jour, Sandrine Milante pose une question toute simple : pourquoi emballe-t-on les fioles dans des boîtes de 100 unités ? Réponse : en 1974, c’était en moyenne le nombre de prescriptions quotidiennes traitées par un pharmacien. En 1974, Sandrine Milante n’était même pas née. Le format des emballages est donc revu lui aussi.


Le Jour de la Terre 2010, EcoloPharm lance sa nouvelle génération de fioles. Deux ans plus tard, un pot à onguent, et deux ans plus tard encore, un pilulier. En 2020, EcoloPharm reçoit la certification B-Corp.


Résister à la résistance au changement

On se doute bien que mille et une embûches se sont dressées sur la route de l’écoconception tracée par Sandrine Milante. Parmi elles, la résistance au changement a été la plus difficile à contourner.

« Il y a dix ans, les consommateurs étaient moins sensibilisés au concept d’écoresponsabilité. Les pharmaciens ne voulaient pas faire face au mécontentement de leurs clients. Des générations complètes n’avaient jamais vu autre chose qu’une fiole à flèche ou une fiole pousser-tourner. Aujourd’hui, nombreux sont les clients conscientisés qui réclament des emballages plus écolos à leur pharmacien. »

L’écoresponsabilité, insiste-t-elle, implique de réfléchir à son entreprise pour en optimiser toutes les étapes, du début jusqu’à la fin du cycle de production. Elle nous met en garde contre le greenwashing : le fait qu’un produit soit qualifié de « biodégradable » ou de « compostable » ne suffit pas à le rendre écoresponsable.


« Je pourrais, par exemple, faire des produits en plastique biodégradable ou compostable. Il ne serait toutefois pas écoresponsable de le faire maintenant. Les infrastructures ne sont pas prêtes pour traiter ces produits en fin de vie. Je pourrais éventuellement utiliser des matériaux biosourcés (matières issues de la biomasse végétale ou animale pouvant être utilisées comme matière première). Ce serait intéressant, mais j’aurais besoin que l’approvisionnement de mon matériel biosourcé soit responsable. Je ne veux pas produire des produits en plastique biodégradable à base de soja, si ce soja pousse au Brésil et que sa culture participe à la déforestation de l’Amazonie. »


Sans certification claire, difficile pour le citoyen de faire des choix éclairés, tel qu’elle nous l’explique dans l’extrait vidéo ci-dessous.


Sandrine Milante a la ferme conviction qu’une entreprise est un puissant outil de transformation de la société. « Si on arrête, on recule, donc on continue à avancer. » Avec ses compétences en écoindustrialisation et sa créativité, parions que cette entrepreneure étendra bientôt ses activités à d’autres régions, mais aussi à d’autres produits. Au nom de la planète, on la remercie.



 

Catherine Hébert

Rédactrice scientifique

catherine.hebert.6@umontreal.ca


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