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Les savoirs expérientiels du patient : source première d’innovation en santé?


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© DCPP 2015


Au Canada, une personne sur deux vit, au quotidien, avec au moins une maladie chronique.


Bien que ce chiffre illustre le défi considérable auquel doit faire face notre système de santé déjà à bout de souffle, l’équipe de la Direction Collaboration et Partenariat Patient (DCPP) de la faculté de médecine de l’Université de Montréal a décidé de le voir au contraire comme une source de créativité inattendue pour la transformation des milieux de soins de demain.

Imaginez l’ampleur et la richesse des savoirs expérientiels accumulés par un patient hémophile qui a passé plus de 10h par semaine pendant plus de 30 ans (c’est à dire près de 15 000 heures) dans les milieux de soins, ou en tant qu’acteur de ses propres soins à domicile. Faites le même exercice avec un mari qui a accompagné sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer pendant plus de 10 ans à travers les dédales d’un système de santé complexe ainsi que dans son quotidien.

Alors que les professionnels de la santé sont les experts de la maladie, les patients et leurs proches sont les véritables experts de la vie avec la maladie.

Les membres de la DCPP ont alors choisi de permettre à ces deux univers qui cohabitent au quotidien de se rencontrer sur un terrain commun et de construire ensemble. Notre proposition : habiliter les patients à agir durablement sur les missions de soins, d’enseignement et de recherche des établissements en soins de santé en mobilisant la richesse des savoirs expérientiels issus de leur vie avec la maladie et ceci, grâce à la création d’un partenariat de soins entre professionnels de la santé, gestionnaires et patients.

La créativité au service de l’amélioration continue

Mais par où commencer? Quels projets porteurs choisir? Nous avons choisi par exemple de matérialiser notre vision du partenariat de soins à travers les projets d’amélioration continue qui sont régulièrement mobilisés dans le réseau de la santé. La nature-même de cette démarche, basée sur le partage de l’expérience du processus de soins par les acteurs, nous a paru constituer le vecteur le plus approprié pour illustrer rapidement et concrètement la valeur ajoutée de la contribution des patients à l’amélioration des soins de santé. De plus, comment ne pas profiter du fait que « les soins de santé » comptent parmi les rares domaines où le destinataire du service est aussi un acteur de la chaine de valeur (le patient assumant ses propres soins).

Depuis 2010, plus de 30 équipes cliniques au sein de 18 établissements ont donc été accompagnées par la DCPP dans leur démarche d’amélioration continue des soins (ex : l’équipe de santé mentale au CHUM, l’équipe de gériatrie à l’hôpital Sacré-Cœur, etc.) et la contribution essentielle des patients fut reconnue unanimement. Ce qui ressort le plus de cette première expérimentation du partenariat de soins au sein d’une démarche d’amélioration continue, c’est que les patients sont indiscutablement les mieux placés pour identifier les changements qui auront un véritable impact sur la qualité de leur expérience.

Trois conditions pour un partenariat durable

Vous vous demandez certainement comment il est possible que l’intégration du patient dans les décisions concernant ses traitements, ou encore, concernant les milieux de soins dans lesquels il vit au quotidien, puissent constituer une initiative avant-gardiste? Pourquoi, alors que toutes ces décisions concernant en finalité le patient et son projet de vie, les professionnels de santé ne travaillent-t-ils pas déjà en partenariat avec celui-ci et ses proches? Nous nous sommes posés les mêmes questions et avons alors travaillé sur l’identification des enjeux culturels, organisationnels et éducatifs à l’origine de cette situation paradoxale.

À ce jour, ces travaux nous ont permis d’identifier les 3 conditions gagnantes pour matérialiser la réalité du partenariat de soins :

  1.     L’ancrage d’une vision du partenariat dans les soins (intégrer la vision du partenariat de soins dans la planification stratégique et dans les valeurs de l’organisation afin de valoriser ces comportements de partenariat entre intervenants mais aussi avec les patients et leurs proches)

  2.     La consolidation d’une culture du partenariat dans l’organisation (habiliter les professionnels de la santé, les gestionnaires, les étudiants au partenariat de soins en développant leurs compétences de partenaires en santé (la DCPP a développé un référentiel de compétences en ce sens))

  3.      La structuration de l’engagement patient dans les processus (encadrer, formaliser et reconnaitre la contribution des patients aux milieux de soins)


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© DCPP 2015


Schématiquement, nous avons donc deux cibles principales d’intervention : la culture (la tête) + les pratiques (les bras). Pour y arriver, nous avons choisi d’incarner nous-même cette vision du partenariat en constituant une équipe de travail composée de patients, de professionnels de la santé et de gestionnaires afin de pouvoir agir et construire ensemble les milieux de soins de demain.

Nos projets futurs? L’habilitation au partenariat de soins d’un nombre encore plus important d’équipes cliniques à travers le Québec et le Canada, la création d’une École du Partenariat en Santé qui formera l’ensemble des partenaires en santé (cliniciens, gestionnaires, patients et proches), mais surtout l’initiation d’une réforme profonde de la formation des professionnels de la santé dans une perspective d’humanisation des soins (ce que nous avons déjà initié depuis deux ans avec la réforme du programme de médecine).

Une révolution est en marche. Construisons ensemble les milieux de soins de demain.

Auteur :Alexandre Berkesse Direction Collaboration et Partenariat Patient – Faculté de médecine de l’Université de Montréal.

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