Dans un immeuble d’habitation de Montréal-Nord, les conversations de palier entre locataires – surtout des personnes âgées – sont devenue rares. Tout comme les sorties d'ailleurs. L’hiver 2021 rime avec isolement. Et pourtant, ça toque à la porte. C’est l’équipe de vaccination mobile du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal (NIM) qui offre des vaccins contre la COVID-19. Là, tout de suite, sur le divan du salon.
La clinique de vaccination mobile roule depuis décembre 2020. « On a constaté une montée des variants dans certains milieux. On s’est dit qu’il fallait rejoindre la population vulnérable là où la couverture vaccinale était plus faible » explique Mélanie Charbonneau, gestionnaires des cliniques mobiles du CIUSSS NIM.
Il faut donc trouver une nouvelle façon de faire; il faut innover. Le vaccin doit se rendre aux gens et non l’inverse. Pourquoi? Réponse de Mélanie Charbonneau.
« Quand tu as des troubles cognitifs, de la difficulté à te déplacer, et quand tu n’as pas internet, comment veux-tu prendre un rendez-vous par toi-même? On ne peut pas se contenter d’offrir des soins uniquement aux gens qui sont capables de se déplacer. Ça créerait des inégalités sociales de santé. Le réseau de la santé est un réseau public qui doit être inclusif et offrir des services de proximité. »
L’idée d’une clinique de vaccination mobile prend rapidement forme [1]. Et elle prend la route.
Les partenaires communautaires sont mis dans le coup. Appels téléphoniques, placardage, distribution de dépliants et porte-à-porte. Aucun effort n’est ménagé pour rejoindre la population.
Cette approche innovante dépasse le simple acte médical. Par la force des choses, elle intègre un volet psychosocial. Dans l’un des logements de Montréal-Nord, l’équipe rencontre des personnes âgées qui n’ont vu personne depuis des mois. Parmi elles, un octogénaire, tombé au sol et incapable de se relever.
Une porte d’entrée difficile à trouver
L’opération de vaccination permet donc à l’équipe mobile de faire le pont entre des personnes dans le besoin et le service de soutien à domicile offert par le CLSC. Il faut dire que le système des CLSC, unique dans le monde occidental, est aujourd’hui en lambeaux, selon Anne Plourde, chercheuse postdoctorale à l'Université York et à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS).
Résultat : les gens ne savent plus à quel saint se vouer.
Mélanie Charbonneau renchérit : « Les clients étaient habitués d’aller au CLSC pour avoir des services de proximité. Maintenant, ils ne savent plus où aller. Ils se demandent où est la porte d’entrée pour eux dans le système de santé. »
L’équipe mobile est composée d’environ 30 personnes. Elle parcourt trois à six sites par jour, tout dépendant du nombre de personnes à vacciner sur chaque site. Parfois, une équipe de deux personnes suffit, pour aller à la rencontre des itinérants par exemple (ils réussiront tout de même à vacciner 48 itinérants en une journée). Jusqu'à maintenant, cette seule équipe mobile a vacciné plus de 16 000 personnes.
Tous les CHSLD du quartier, publics comme privés, ont été visités. Les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale aussi. Ces femmes, il fallait y penser, n’allaient pas se faire vacciner dans les sites fixes de peur d’être repérées.
Un projet fécond
La clinique est-elle appelée à disparaître avec la pandémie? « Au contraire, oppose Mélanie Charbonneau. On est en train de revoir notre approche pour augmenter nos services en première ligne avec différents types de clientèles. Il y a les jeunes en difficulté, mais aussi les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. » D'autres CIUSSS ont mis sur pied des cliniques mobiles, précise-t-elle.
L'idée d'aller rejoindre les gens qui ne viendront pas chercher de l’aide par eux-mêmes a déjà été éprouvée. Avec succès. À preuve, avance Mélanie Charbonneau, le succès rencontré par le service Aire ouverte. Destiné aux 12-25 ans marginalisés, le programme leur offre des points de service, directement dans leur milieu de vie.
La prochaine étape? « Pourquoi pas ces cliniques éphémères dans les parcs! » lance Mélanie Charbonneau avec un grand sourire masqué.
Oui, à bien y penser, pourquoi vaccination et pique-nique printaniers devraient-ils rivaliser?
[1] Ce programme pilote est une initiative de la Santé Publique de Montréal, du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et de celui du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal.
Catherine Hébert
Rédactrice scientifique
catherine.hebert.6@umontreal.ca
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