Une piste cyclable et une voie piétonne sur le pont Williamsburg à New-York – Crédit : Dylan Passmore via Flickr.
C’est un trio qui devrait être au cœur des décisions des différents paliers de gouvernance dans de très nombreux pays. Même si de plus en plus d’élu.es comprennent l’importance de mettre en place des politiques publiques favorisant fortement les transports actifs au bénéfice de la santé humaine et de l’environnement, force est de constater qu’il existe de grandes disparités parmi les grandes villes du monde en matière de transports actifs. C’est pour réunir des spécialistes et des chercheur.es dans ces domaines que l’Institut Santé et Société (ISS) de l’Université du Québec à Montréal organisait une journée scientifique le 8 juin dernier. Au menu : tables rondes, présentations croisées et échanges sur le thème des transports actifs, de la santé et des politiques publiques au Québec, mais aussi dans d’autres pays.
La ville en santé, une thématique qui nous interpelle
Hinnovic s’intéresse depuis sa création aux problématiques de santé urbaine reliées à l’environnement bâti et à des villes qui favorisent peu ou pas assez la santé métabolique. En 2015, sous la forme d’un billet, nous avons décidé de proposer un bilan 5 ans après la mise en ligne de notre dossier sur la ville en santé. Bilan mitigé sur le plan des transports actifs à Montréal et au Québec en général puisque, comme nous le notions, des efforts ont été faits pour favoriser les transports actifs, même si plusieurs organismes notent un essoufflement dans la volonté des pouvoirs publics de donner beaucoup plus de place aux modes de transport sains, tant pour la santé humaine que celle de l’environnement. Entre 2011 et 2017, Montréal a ainsi chuté de la 8e à la 20e place (soit la dernière) dans le Copenhagenize Index, un classement qui note les villes en fonction des politiques municipales et des installations favorisant la pratique sécuritaire du vélo.
Consultation, changement de hiérarchie et rémunération
Afin de rester dans la continuité de notre intérêt pour les questions de santé publique et de transports actifs, nous sommes allés à la rencontre de plusieurs intervenants lors de cette journée scientifique. Parmi les constats qui reviennent de temps en temps concernant les aménagements de pistes ou de voix cyclables, celui du manque de consultations ex ante avec les usagers est souvent mentionné par ces derniers quand des installations sont mal conçues, voire dangereuses.
La piste cyclable du Boulevard Saint-Laurent qui croise la piste Bellechasse à Montréal.
Cette importante amélioration de la sécurité des cyclistes voulue par la ville de Montréal et réclamée depuis longtemps par plusieurs organismes représentant les cyclistes a en effet fait les manchettes pendant plusieurs semaines parce qu’elle avait été mal conçue à plusieurs endroits, en partie parce que les cyclistes n’avaient pas assez été consultés. Même si la ville a corrigé le tir par la suite, il faut noter que la majorité des cyclistes n’empruntent pas le rond-point construit à l’origine pour éviter les croisements dangereux entre les cyclistes et les piétons.
Même si Montréal est proche de sortir du classement de l’indice de Copenhague, la métropole québécoise se positionne tout de même comme une place forte pour la pratique du vélo en Amérique du Nord. Même la pratique du vélo d’hiver est en forte augmentation depuis les trois dernières années et Montréal a même été l’hôte du Congrès du vélo d’hiver en février dernier. Alors pourquoi cette différence ? C’est que les villes qui ont grappillé des places à Montréal ne se sont pas endormies sur leurs lauriers. En Europe, des cités comme Bordeaux, Strasbourg ou Ljubljana ont mis les bouchées doubles pour adopter des politiques d’urbanisme en faveur de la pratique du vélo tout en adoptant des politiques de sensibilisation aux transports actifs efficaces. Surtout, elles ont sécurisé beaucoup de pistes cyclables, alors que Montréal est sanctionnée pour avoir « encore bien trop de rues non sécuritaires ». Pourtant, l’insécurité est une des principales raisons invoquées pour ne pas se mettre en selle. De plus, les connaisseurs vous diront que nous avons beaucoup de cyclistes à Montréal, mais qu’il n’y a pas encore « la culture du vélo ». De façon plus générale, comment changer la donne et inciter de plus en plus de Québécoises et de Québécois à adopter les transports actifs ?
Pour Paquito Bernard, professeur au département des sciences de l’activité physique à l’UQAM, il faut d’une part ludifier la pratique du transport actif, mais aussi changer la hiérarchie entre l’humain et la voiture.
Parmi les « mamelles du changement de comportements », la rétribution des employé.es qui utilisent la petite reine pour aller au travail commence à faire son petit bonhomme de chemin puisque l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie a franchi le pas pour ses employé.es en 2016.
De la même façon, défrayer une partie des coûts du titre de transports en commun (TEC) pourrait aussi inciter de nombreuses personnes à lâcher leur voiture (attention, faut-il encore ne pas diminuer l’offre de TEC…).
Finalement, pourquoi ne pas instaurer « un code de la rue » afin de repenser le partage des espaces urbains comme cela commence à se faire en Europe ? En novembre 2015, Jean-François Bruneau, professeur associé au département de géomatique appliquée de l’Université de Sherbrooke, s’était entretenu avec nous sur ce concept novateur. Visionnez notre entrevue vidéo ci-dessous
Cette journée scientifique aura donc été l’occasion d’échanger et de continuer à réfléchir sur les solutions à mettre en œuvre afin de faire du Québec une région du globe à la pointe de l’innovation en matière de transports actifs. La province a tous les atouts pour permettre « d’exploiter les villes au profit de la santé métabolique » tout en agissant ipso facto contre les changements climatiques, au bénéfice de la santé publique.
Jérémy Bouchez
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