Selon Claude Sicotte et ses collègues, les maladies chroniques représentent un fardeau de plus en plus lourd pour les systèmes de santé des pays industrialisés. Au Canada, l’incidence de plusieurs maladies chroniques, telles le diabète ou les maladies cardiovasculaires, connaît une augmentation importante depuis les dernières années, en lien avec le vieillissement de la population et ses habitudes de vie .
Les ressources qui sont dédiées à ces patients, et les coûts y étant associés, exercent une pression énorme sur les systèmes de santé qui peinent à répondre à la demande. Le défi est d’autant plus grand dans un contexte de pénurie des professionnels de santé, particulièrement à l’extérieur des grands centres urbains. Ces constats ont stimulé la recherche de nouvelles façons de faire qui permettraient d’assurer une prise en charge optimale des clientèles souffrant de maladies chroniques. Précisément, les solutions proposées suggèrent de favoriser le suivi systématique des patients, plutôt que le simple traitement ponctuel de problèmes aigus. Pour ce faire, de nouveaux processus de soins doivent se mettre en place, favorisant la collaboration entre le patient et une équipe de soins proactive, dont les activités sont coordonnées autour du patient.
Un des modèles les plus prometteurs pour améliorer la qualité de la prise en charge des maladies chroniques est le modèle des soins chroniques (MSC) (Chronic Care Model), proposé par Wagner et coll. (Bodenheimer et coll. 2002). Ce modèle est constitué de quatre composantes liées à l’organisation des services de santé de première ligne:
le support au patient, afin de faciliter son implication dans la gestion de sa maladie;
l’organisation du travail de l’équipe de soins, afin de mieux définir le rôle de chaque intervenant, médecin ou non, et de favoriser le suivi systématique des patients atteints de maladies chroniques;
les systèmes d’information cliniques, afin de faciliter la gestion des informations cliniques liées au patient, ainsi que la planification des soins;
les supports d’aide à la décision, afin de permettre aux cliniciens un accès rapide et facile aux données probantes et aux guides de pratique.
De nombreuses études ont démontré les effets bénéfiques associés à des interventions implantées selon ce modèle, par exemple, dans le suivi du diabète, de la maladie pulmonaire obstructive chronique et de l’insuffisance cardiaque (Bodenheimer et coll. 2002). Ce modèle ouvre donc la voie à de multiples interventions ayant un potentiel intéressant pour améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques.
Innovation technologique
une plus grande implication du patient dans la prise en charge de sa maladie, avec des outils permettant la saisie directe des données liées à son état de santé par le patient;
une meilleure coordination de l’équipe de soins, grâce à des outils facilitant la planification des soins et un meilleur suivi systématique des patients atteints de maladies chroniques;
une meilleure gestion de l’information clinique, grâce à l’utilisation de systèmes d’information clinique documentant plus efficacement la condition des patients et les activités de soins à réaliser; et une meilleure organisation des informations permettant un recours aux outils de support d’aide à la décision avec notamment la transmission de données entre le domicile du patient et son équipe de soins, ce qui permet notamment le recours à des systèmes d’alertes liées aux données cliniques personnelles.
Deux types génériques de Télésoins à domicile (TSD)
Nos travaux précédents sur les TSD pour la gestion des maladies chroniques ont mis en lumière deux types génériques d’interventions de TSD qui sont en émergence.
Il y a deux les principales différences et similarités de ces deux types émergents de technologie de TSD. D’une part, ces technologies se distinguent par les mécanismes sur lesquels elles reposent pour atteindre leurs objectifs et ce, tant au niveau du patient que des intervenants. Dans le modèle centré sur le patient, de meilleurs effets cliniques devraient être obtenus grâce à la standardisation et la régularité du suivi systématique, qui peut permettre, lorsqu’un problème est détecté, une réaction rapide des intervenants minimisant ainsi les risques d’une trop grande détérioration de la condition clinique du patient. Dans le modèle centré sur l’intervenant, les effets cliniques devraient se manifester grâce à une meilleure intégration des soins et une meilleure organisation du temps des intervenants. D’autre part, ces technologies sont similaires en ce sens qu’elles visent toutes les deux à améliorer le suivi systématique des patients chroniques vivant à domicile en standardisant les pratiques par un usage accru de protocole de soins tout en tentant d’offrir une solution rentable du point de vue des coûts d’opération. Ainsi, pour ce qui est de l’utilisation des services de santé, des études ont montré que le modèle centré sur le patient peut réduire le nombre de visites à domicile par patient, ce qui a aussi été observé lors de l’utilisation de TSD centré sur l’intervenant (Paré et coll. 2007).
Auteurs :Claude Sicotte, Département d’administration de la santé, IRSPUM, Université de Montréal
Guy Paré, CRC en TI dans le secteur de la santé, HEC Montréal
M. Jaana, École de gestion Telfer, Université d’Ottawa
M. Lemire, Département d’administration de la santé, IRSPUM, Université de Montréal C. St-Hilaire, AETMIS (Agence québécoise d’éval. des tech. et modes d’intervention en santé
RÉFÉRENCES
Bodenheimer T, Wagner EH, Grumbach K (2002). Improving primary care for patients with chronic illness. The chronic care model, Part 2. Journal of the American Medical Association. 288(15):1909-1914.
Paré G, Sicotte C, St-Jules D, Gauthier R (2006). Cost-Minimisation Analysis of a Telehomecare Program for Patients with Chronic Obstructive Pulmonary Disease. Telemedicine and e-Health. 12(2):114-121.
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