Né en 1891 dans l’état de Washington aux États-Unis, W. Penfield fréquentera successivement plusieurs universités prestigieuses, passant de Princeton à Oxford pour enfin obtenir son doctorat à l’école de médecine de l’Université Johns Hopkins à Baltimore dans le Maryland. Penfield s’est très tôt intéressé au fonctionnement du cerveau et il garda longtemps en tête l’idée de créer un centre qui regrouperait plusieurs disciplines scientifiques s’intéressant au cerveau et aux symptômes issus de son dysfonctionnement. Ce sera à Montréal qu’il réalisera son rêve en créant en 1934 l’Institut neurologique de Montréal grâce à plusieurs dons issus de familles fortunées (dont la famille Rockefeller) et aussi avec le soutien financier de la ville de Montréal et du gouvernement québécois de l’époque. À noter que Wilder Penfield s’était déjà établi dans la métropole puisqu’il avait rejoint la faculté de médecine de l’Université McGill en 1928. De plus, le décès de la sœur du célèbre neurochirurgien suite à une tumeur qu’il avait lui-même enlevé quelques années auparavant le convaincra encore plus de créer un institut dédié à la recherche sur le cerveau et ses mécanismes.
7000 ans de tentatives d’opérations du cerveau contre l’épilepsie
Avant l’avènement de la neurochirurgie moderne dans la seconde moitié du XIXe siècle notamment grâce au célèbre Harvey Cushing, considéré comme le père de la discipline, les opérations du cerveau se pratiquaient déjà du temps de la civilisation pré Inca (2000 av. J.-C.), voire même du temps du Néolithique, puisqu’on pense que des trépanations étaient pratiquées pour tenter de traiter des manifestations comme l’épilepsie! (on n’ose cependant imaginer les conditions de l’opération…). Cependant, on sait aujourd’hui que les différentes formes d’épilepsie et leurs manifestations dépendent de la région du cerveau concernée. Nul doute que sans avoir déterminé de façon précise la région causant les crises, les individus opérés avant les méthodes modernes devaient souffrir des conséquences d’une ablation trop large d’une ou plusieurs parties du cerveau non en cause.
La technique opératoire novatrice de Wilder Penfield
La grande idée du Dr Penfield dans les années 50 aura été d’identifier la zone responsable des crises en interagissant avec le patient durant l’opération. On laisse l’opéré conscient tout en anesthésiant la zone qui fait l’objet de la chirurgie. La technique consiste alors à stimuler électriquement différentes zones du cerveau afin de détecter la ou les zones en cause dans le déclenchement des crises. Il suffit ensuite au neurochirurgien d’enlever la zone responsable des crises tout en prenant soin de ne pas endommager les tissus environnants. Cette technique est devenue si populaire qu’on lui a même attribué le titre de «méthode de Montréal» (The Montreal Procedure). Penfield savait de plus que certains épileptiques développent des signes avant-coureurs, comme des hallucinations visuelles, auditives ou olfactives. Il cherchait donc à recréer ces signes avant-coureurs lors des chirurgies. Pour la petite histoire, la technique était si efficace que Wilder Penfield l’a mise en pratique plus que l’ensemble des neurochirurgiens dans le monde.
Le traitement chirurgical de l’épilepsie de nos jours.
Certains épileptiques peuvent être traités en ayant recours à un traitement pharmacologique. Cependant, il existe des formes d’épilepsie dites pharmacorésistantes qui impliquent une opération chirurgicale du cerveau, comme mentionné plus haut, le Dr Penfield a ouvert la voie à ce type de traitement, même si la technique a évolué de nos jours. On fait désormais largement appel à l’électroencéphalographie (pour le diagnostic épileptique) et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale pour la détection des zones du cerveau responsables des crises. Le Neuro a cependant été un établissement pionnier dans l’utilisation de ces deux techniques.
Les épisodes de crise chez les patients souffrant d’épilepsie sévère peuvent être très impressionnants. Dans la 4e séquence vidéo de ce dossier du site Allodocteurs, on peut voir les quatre différents types de crises connues.
Il est de plus impressionnant de voir les progrès effectués en neurochirurgie depuis le développement de la procédure de Montréal. Les techniques opératoires actuelles permettent en effet aux neurochirurgiens de limiter l’impact de la craniectomie et il est impressionnant de constater que dans certains cas, les patients opérés peuvent sortir de l’hôpital seulement quelques jours après l’opération. Voici d’ailleurs un exemple d’opération chirurgicale du cerveau sur un enfant de 2 ans et demi visible dans cette 3e vidéo du dossier sur l’épilepsie (attention, les images sont impressionnantes pour les plus sensibles).
Une pratique qui se généralise, mais des systèmes de santé qui peinent à répondre à la demande.
Au Canada on estime que 500 chirurgies ayant pour but de traiter l’épilepsie sont pratiquées chaque année. Cependant, de 2000 à 5000 personnes sont candidates à ce type d’intervention.
En France, la situation est plus préoccupante puisque ce serait de 10 000 à 20 000 personnes qui pourraient bénéficier de ce traitement, mais qui se situent sur liste d’attente souvent très longue.
À l’échelle planétaire, l’Organisation Mondiale pour la Santé évalue le nombre d’épileptiques à 50 millions. Sachant que la maladie est pharmacorésistante dans 30 à 40 % des cas, ce sont de 15 à 20 millions de personnes qui pourraient être candidats à ce type d’opération alors que près de 80% des personnes souffrant d’épilepsie vivent dans les pays en développement.
En créant l’Institut neurologique de Montréal il y a 80 ans et en inventant une nouvelle technique de traitement de l’épilepsie il y a 60 ans, le Dr Wilder Penfield a révolutionné la neurochirurgie et la connaissance du cerveau ainsi que son fonctionnement.
Auteur :Jérémy Bouchez Hinnovic.org
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