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William Feindel (1918-2014) : une page d’histoire de l’imagerie médicale québécoise


Dr. William Feindel, 2e en partant de la droite et Dr. Romeo Ethier à côté du premier CT scanner au Canada (1973). Dr. Feindel a été l'élément moteur de l'implantation de l'imagerie médicale au Canada. (Photo : courtoisie du Montreal Neurological Institute)

Dr. William Feindel (avec les lunettes) et Dr. Romeo Ethier à côté du premier CT scanner au Canada (1973). Dr. Feindel a été l’élément moteur de l’implantation de l’imagerie médicale au Canada. (Photo : courtoisie du Montreal Neurological Institute)


Il avait dépassé les 90 ans lorsque je l’ai rencontré à l’Institut et Hôpital neurologiques de Montréal (que tout le monde appelle familièrement le NEURO) où il occupa un bureau jusqu’à sa mort. Tout le monde du domaine s’entendait pour dire que l’histoire de la bioimagerie médicale au Québec était en bonne partie passée par lui, personnage incontournable et légende déjà inscrite dans l’architecture du lieu…

Pour preuve, notre rencontre eut lieu dans le hall de l’Institut qui s’appelait déjà, de son vivant, le « Foyer William Feindel ». Je le vis s’approcher à l’heure dite ! Homme qui aurait pu facilement passer inaperçu si ce n’était de son sourire engageant. J’apprendrai vite que devant moi se trouvait un homme aux « mille chapeaux » : non seulement le neurochirurgien de talent qu’il avait été, formé à McGill puis au Merton College d’Oxford, devenu ensuite neurochirugien en chef de l’institution de la rue University, mais également le 3e directeur général (1972-1984) du NEURO – le premier ayant été de 1934 à 1960 le fondateur Wilder Penfield.

C’est en 1955, alors qu’on l’envoie fonder à l’Université de la Saskatchewan le premier département de neurochirurgie, qu’il se mêlera sérieusement de faire évoluer le scanner. Son développement était en cours un peu partout à travers le monde et, notamment, en Angleterre où la firme EMI Medical s’était adjoint la collaboration de Godfrey Hounsfield, un « génie » doté d’une appétence intuitive gargantuesque qui recevra en 1979 le Nobel de physiologie et de médecine pour son CAT-5000 (Computer Assisted Tomodensitometry).

Le travail se fit donc à Saskatoon au milieu d’une équipe travaillant à partir de lignes conceptuelles de l’appareil qui naissaient de la plume du Dr William Feindel lui-même, dont la curiosité dépassait de beaucoup les seuls neurones !


La réelle singularité du Saskatoon Brain Scanner (SBS), sera bien sûr sa rotondité qui permettait aux multiples émetteurs rayons X d’épouser à angle droit chaque millimètre de l’encéphale. Mais le SBS, au milieu de toutes les avancées qui se faisaient aussi simultanément à travers le monde, fut également parmi les premiers appareils à faire usage d’isotopes, si bien que l’on aura coutume de l’appeler « the first automatic isotope scanner ». Source : Images of the NEURO par William Feindel

La réelle singularité du Saskatoon Brain Scanner (SBS), sera bien sûr sa rotondité qui permettait aux multiples émetteurs rayons X d’épouser à angle droit chaque millimètre de l’encéphale. Mais le SBS, au milieu de toutes les avancées qui se faisaient aussi simultanément à travers le monde, fut également parmi les premiers appareils à faire usage d’isotopes, si bien que l’on aura coutume de l’appeler « the first automatic isotope scanner ». Source : Images of the NEURO par William Feindel


Les scanners « préhistoriques » (dits modèles rectilinéaires) avaient une configuration de boîte rectangulaire autour de la tête du patient. Feindel remarqua qu’avec une telle géométrie l’appareil ne couvrait pas complètement l’encéphale. La rectilinéarité entraînait des « angles morts » privant les radiologistes de renseignements précieux. Lui et son équipe résolurent alors de faire évoluer l’appareil de sa forme rectangulaire initiale à un design beaucoup plus conforme à la physiologie d’une tête. « Qui est le plus souvent circulaire ! » me dit avec malice ce neurochirurgien de légende. Et le voilà devant moi qui dessine de sa main hyperspécialisée par la pratique et les années (il pratiquait aussi le piano et le violon)  un crâne, en en détaillant les diverses couches :

 « Là, le scalp ; là, la boîte crânienne ; et là, à l’intérieur, une mince couche d’eau. Vous voyez les angles morts qu’un scanner rectilinéaire crée en enserrant une tête humaine ? Vous voyez les zones qui se trouvent ainsi non balayées par les multiples caméras qui composent l’enveloppe du scan ? »

Lors de son directorat entre 1972 et 1984, Dr Feindel fera le plein de « revolutionnary brain scanning tools », comme il le dit si bien, et cela à une époque qui connaissait une énorme accélération dans ce domaine. En grande première canadienne, le NEURO obtiendra en 1973 l’un des premiers prototypes du CAT-5000 qu’EMI et son ingénieur Hounsfield venaient de lancer en 1972.

L’un des derniers gestes de son administration sera de créer ce centre mondialement reconnu, lieu de recherche et de développement en bioimagerie : le « McConnell Brain Imaging Centre ».


Voici le genre d’image, plutôt composée de points que de pixels, qui permettaient d’illustrer, en 1962, la présence dans la partie centrale de l’encéphale d’un méningiome. Source : Images of the NEURO par William Feindel

Voici le genre d’images, plutôt composées de points que de pixels, qui permettaient d’illustrer, en 1962, la présence dans la partie centrale de l’encéphale d’un méningiome. Source : Images of the NEURO par William Feindel


Durant les 20 dernières années, Feindel s’adonnera, plus exclusivement que jamais, à sa grande passion pour l’histoire de la neurologie et de la neurochirurgie, jusqu’à être nommé bibliothécaire honoraire de la Bibliothèque d’histoire de la médecine William-Osler de l’Université McGill. Dr William Howard Feindel mourut au NEURO le 12 janvier 2014, là même où il avait évolué pendant 65 ans – et les témoignages de patients, de collègues, affluèrent. Il était né le 12 juillet 1918 à Bridgewater (Nouvelle-Écosse).

Dans les quelques semaines qui précédèrent son décès, il tint à être transféré, dans ce qui fut la Maison de sa vie, et qui devint en quelque sorte son Temple.

En toute fin d’entrevue, alors que nous marchions vers la sortie – vers le Foyer William Feindel devrais-je dire – il me confia ce détail stupéfiant :

« Grâce à l’extrême précision de la neuroimagerie aujourd’hui, notamment grâce à notre IRM 3T (Imagerie par résonance magnétique-3 Tesla), il m’est arrivé à l’occasion de voir dans le cerveau de mes anciens opérés, les “ traces ” de la neurochirurgie que j’avais exécutée il y a plus d’un demi-siècle ».

Durant ses dernières années de pratique, il arriva en effet au Dr Feindel de revoir pour des examens de neuroimagerie de routine quelques-uns de ses anciens patients presque aussi âgés que lui. Ces patients avaient souffert d’épilepsie durant les années 1960 et il les avait lui-même opérés selon une technique développée à Montréal et reconnue mondialement sous le nom de « the Montreal Procedure ».

Voici un reportage sur Dr. William Feindel du Canadian Medical Hall of Fame (en anglais) :



Luc Dupont

Auteur :Luc Dupont Journaliste scientifique

RÉFÉRENCES


  1. Feindel, W. (2013). Images of the NEURO, Montréal : Institut et Hôpital neurologiques de Montréal.

  2. Feindel, W. Leblanc, R. (2016). The Wounded Brain Healed. The Golden Age of the Montreal Neurological Institute, 1934-1984. Montréal : McGill-Queen’s University Press.

  3. Alzheimer A. (1907). « Feindel W, Stratford J, Cowan GAB, Fedoruk S. (1959). Radioactive Encephalography: Automatic Brain Scanning Using Radioactive Iodinated Albumin. J. Neurosurg Psychiat., 22: 342.

  4. Kraepelin E. (1910). Feindel W, Rovit RL and Stephens-Newsham L. (1961). Localization of Intracranial Vascular Lesions by Radioactive Isotopes and an Automatic Contour Brain Scanner. J. Neurosurgery, 118: 811-821.

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